L’immense collection des voyages formeroit une bibliotheque nombreuse, dont la lecture occuperoit la vie d'un homme. Sur un plan donné par les Anglois, rectifié ensuite par lui-même, M. l'abbé Prévost a réduit à un certain nombre de volumes cette quantité prodigieuse de relations plus capables d'effrayer par leur multitude, que d'exciter la curiosité par ce qu'elles ont d'intéressant. Mais, outre les défauts du plan, & une extrême confusion dans les détails, on
a encore reproché à l'Histoire de M. l'abbé Prévost ses répétitions fastidieuses, & son excessive prolixité. L'ouvrage, d'ailleurs, n'est point achevé: il manque à ce Recueil la collection des voyages de terre, c'est-à-dire, de toute cette partie de l'ancien monde, où se sont passés les événemens les plus mémorables. L'état actuel de ces lieux célebres, les révolutions qu'ils ont éprouvées, les restes précieux des monumens qui attirent l'attention des voyageurs, eussent completté cette grande Histoire. C'est par-là que commencent les relations du Voyageuer Francois; & quand les deux premiers volumes n'auroient d'autre utilité, que de servir de supplément à l'Histoire générale des
Voyages, c'est un avantage dont le Public pourroit luisçavoir gré. Mais son projet est plus étendu. En portant, dans ses voyages, le flambeau de la philosophie & de l'observation, il y puise des connoissances utiles, qu'il communique à ses concitoyens. Tous les objets faits pour exciter la curiosité d'un lecteur philosophe, les loix, les mœurs, les usages, la religion, le gouvernement, le commerce, les sciences, les arts, les modes, l'habillement, les productions naturelles, en un mot, la connoissance de tous les pays & de toutes les nations de l'univers, en commençant par les peuples de l'Asie, sont la matiere de toutes ses Lettres. Il ne porte son attention que sur
ce qui lui paroît mériter une juste curiosité; & comme son but est d'intéresser & d'instruire, tout ce qui ne produit point ces deux effets, ne lui semble pas digne de ses remarques. Rarement il entretient ses lecteurs de ce qui le regarde personnellement. Jamais ni les préparatifs du voyage, ni tous ces petits accidens qui arrivent nécessairement, se devinent & se supposent durant une longue route, ne prennent la place d'un récit plus intéressant. Ce n'est point l'histoire du voyageur qu'il importe de sçavoir; c'est celle des pays où il a voyagé. LE